Les chiffonniers du Caire

vendredi 31 octobre 2014

Follow the Nile

Jeudi 23 octobre 

Réveil à 7h, départ à 8h.  Difficile de faire croire que nous risquons notre vie en Egypte. 


Passant de l'hôtel Winterpalace de Luxor au Old Cataract d'Assouan, en remontant très confortablement le Nil à  bord du « Steam ship Sudan », nous aurions pu passer pour des aventuriers à la fin du XIXè siècle mais aujourd'hui c'est le grand luxe. Ceux qui pensaient que nous étions inconscients d'entreprendre un tel voyage dans ce pays à l'automne 2014 se disent probablement maintenant que nous sommes très gâtés... et c'est le cas. Comme les touristes sont peu nombreux, la découverte des sites se fait dans des conditions idéales. Encore plus gâtés ! Les Egyptiens ont du mal à comprendre pourquoi si peu de touristes choisissent leur pays actuellement alors que les problèmes majeurs au Moyen-Orient sont ailleurs. 


Nous sommes amarrés ce matin à Edfou sur la rive gauche du Nil. Des calèches nous attendent pour le tranfert vers le temple. C'est touristique mais pratique pour rejoindre le temple d'Horus après avoir traversé le bourg. 

Ce temple à demi ensablé jusqu'au milieu du XIXè siècle est le mieux conservé du pays. Lorsque le grand égyptologue Auguste Mariette le découvrit en 1860, il fallut en expulser ses habitants, le dégager, le nettoyer et le restaurer. C'est le 3ème plus grand temple du pays après Karnak et Médinat-Abou que nous avons visités avant hier. 


Bassem, notre guide, nous rappelle Michel Boujenah surtout par son attitude et sa voix, nous ne sommes pas les premiers à lui faire la remarque. Lorsqu'il se lance dans les explications on dirait qu'il fait du stand up ou un one man show. Bassem nous raconte le temple, son histoire, les décorations et hiéroglyphes sur les murs avec humour et nous impressionne par ses connaissances et ses talents de conteur.


Ce qui nous gêne, c'est que les infos qu'il nous donne sont parfois très différentes de celles d'Emile, notre guide précédent. 700 prêtres à Luxor pour Emile, 20 000 selon Bassem. L'espérance de vie de 70 ans en moyenne selon Emile, passe avec Bassem à 50. Plus crédible même si Ramses II vécut près de 90 ans.


A Edfou vivaient 3000 prêtres. Ce qui fait d' Edfou un temple exceptionnel, c'est que la plupart des bas-reliefs ont été plâtrés et non martelés par les chrétiens ou les musulmans. Une technique plus simple et  plus rapide pour dissimuler les visages des dieux et lorsque Mariette a déplâtré, ces merveilles sont apparues totalement préservées des ravages du temps et des hommes. 


Retour « on board », nous déjeunons sur le pont supérieur, le roastbeef est excellent, servi avec une sauce au raifort "fait maison". Nous sommes bluffés !  Déjeuner en portant notre regard d'une rive à l'autre du Nil....quel bonheur !


L'après midi sera consacrée au bronzage sur les transats...baignade interdite ! Pourtant loin des villes, les eaux du Nil invitent au plongeon. 


Bassem nous offre une conférence passionnante, passant de Cléopâtre à Claude François, de Napoléon à Dalida, de l'Agha Khan à François Mitterand. Nous en profitons aussi dans la foulée pour enregistrer avec Amir, la grande histoire du Steam Ship Soudan. 



Une version parfois en contradiction avec celle du carnet de voyage remis  par l'agence Voyageurs du Monde, propriétaire du bateau. Mais qu'importe, puisque l'histoire est belle...

Seconde visite du jour ou plutôt du soir Kôm Ombo et son temple de Sebek et d'Haroeris. Sebek le dieu crocodile....

Parmi les curiosités le « Nilomètre » énorme puit permettant de mesurer le niveau et les crues du Nil. Un système de taxes était indexé, étrange histoire d'O ! Le musée des momies de crocodiles nous impressionne, 4 à 5 mètres pour les plus longs.



Le petit «miracle » du jour, la grosse bonnette de micro de Thierry, perdue à Edfu vient de réapparaître à Kôm Ombo à une soixante de kms en amont. Ramassée sur le site, remise à un chauffeur véhiculant l'un des passagers du Steam Ship Sudan, devant faire l'aller-retour à Luxor pour récupérer sa valise livrée avec 3 jours de retard et « allégée » d'une caméra à Roissy. Nous  allons vivre notre seconde soirée à bord. 


Après avoir dîné hier avec Vicky et Johnny les anglais, nous passons la soirée avec Hélène et Jean-Michel, les niçois. Le dîner était meilleur hier et il fait un peu frais ce soir..mais c'est toujours aussi magique !


jeudi 30 octobre 2014

Le diamant du Nil

Vendredi 24 octobre 

Pour nous la croisière se termine, nous quitterons le Steam Ship Sudan en fin d'après midi après l'excursion à Philae. 

Nous mettons à profit notre dernière matinée à bord pour enregistrer les ultimes interviews avec quelques passagers. Nicole et Jean-Michel, les niçois, grand voyageurs, nous confient que depuis 40 ans qu'ils bourlinguent, c'est la première fois qu'ils sont en Egypte et qu'ils aiment se glisser dans les pas de grands explorateurs du XIX ème siècle. Vicky et Jonny, les anglais, ont tellement aimé cette croisière qu'ils l'ont réservée dans les deux sens, une semaine à bord contre 3 ou 4 jours. 



S'ils n'ont pas croisé Hercule Poirot sur le SSS, ils se sont en revanche trouvés nez à nez avec 007 Daniel Craig dans un hôtel sur une plage du Mozambique dont ils étaient les seuls clients.
Avant le déjeuner, Amir le directeur, nous offre une dernière visite du bateau, cette fois, la partie cachée. 

Nous prenons l'escalier qui descend en cale et découvrons les salles des machines et ses impressionnants pistons.



Les roues (petit rappel, c'est le dernier vapeur sur le Nil).



La cafétéria, les dortoirs de l'équipage et enfin la grande cuisine. Tout est préparé à bord. L'eau du Nil est filtrée, traitée et serait presque potable. 



14h30, Bassem, le guide pour les passagers français nous attend, 20 minutes de bus et nous arrivons sur les bords du barrage et du lac d'Assouan, tout à côté du barrage et du lac Nasser.





Nous sommes tout au nord de ce grand lac artificiel de 500 kms de long, immense réservoir sur le Nil en plein désert de Haute-Égypte. Des dizaines de bateaux attendent des clients qui arrivent au compte-goutte alors qu'il y a quelques années encore, c'étaient les passagers qui devaient patienter pour embarquer. 



La mini croisière dure une dizaine de minutes, le temple apparaît au loin, Bassem nous montre l'emplacement de l'ile de Philae, aujourd'hui sous l'eau. 



Dix-huit temples ont été déplacés lors de la mise en eau du lac et remontés plus haut sur la berge. Le temple de Philae, le diamant du Nil,  était en partie inondé depuis la construction du premier barrage au début du XX ème sicèle,  vers 1940 on se promenait en barque entre les colonnes. 



Comme sur bon nombre de sites, on a beaucoup martelé à Philae afin de  faire disparaître les traits des visages des dieux et des déesses. L'île d'Agilkia a été aménagée pour accueillir le site archéologique qui fut démonté pierre par pierre soit un puzzle de 40 000 pièces. On trouve encore les numéros sur certains blocs. Philae constitue un superbe bouquet final de croisière. Il est dédié à Isis dont le nom signifie trône. Soeur et épouse d'Osiris, elle est représentée sous des traits humains, portant des cornes et l'astre solaire sur la tête. 



D'autres temples de la vallée du Nil ont été offerts aux pays soutenant cette vaste opération de sauvetage pilotée par l'Unesco et ont été remontés au Métropolitan Muséum de New-York, au musée égyptien de Turin et aux Pays-Bas. 


La croix de Malte a été inspirée par la croix copte, celle-ci, même fort bien taillée, dégrade les bas reliefs. Un dernier passage sur le SSS pour le check-out, remercier chaleureusement et saluer notre ami Amir, le directeur et nous déménageons à 100 mètres seulement de là, à l'hôtel Isis, sans charme mais sur le Nil. Nous décidons de partir à la découverte du souk, de l'autre côté de la rue.



Il est vaste mais on ne peut s'y perdre car il s'articule de part et d'autre d'une large rue. 



Nous y dînerons d'excellents kofta et kebab qui intéressent aussi la demi-douzaine de chats qui attendent au pied des tables.



Le petit resto est plein et nous sommes les seuls touristes. Demain matin, une felouque vient nous prendre à 9h pour une matinée sur l'ile Elephantine puis nous rejoindrons notre second palace, le célèbre Old Cataract qu'affectionnait François Mitterand. 



Alors que notre vie dans le sud de l'Egypte est douce et paisible,  nous apprenons qu'un attentat kamikaze dans le nord Sinaï a fait au moins 30 morts et autant de blessés, qu'un autre au Caire il y a 2 jours  a fait 9 blessés. Ce sont toujours les policiers et l'armée qui sont visés. Il ne faudrait pas que ces attentats fassent faire machine arrière à ceux qui projettent un voyage au pays des pharaons. 



mercredi 29 octobre 2014

Voiles sur les filles, barques sur le Nil

Samedi 25 octobre   

C'est notre matinée en felouque.


Ahmed, le correspondant de Voyageurs du monde nous présente Mina, notre guide pour la matinée. 
La felouque est un moyen de transport pratique, romantique, écologique et silencieux à Assouan. La nôtre nous attend juste en bas de l'hôtel Isis. Le felouquier a fière allure, il tire des bords vers la petite île Kitchener. 



Horatio Kitchener,  consul général d'Egypte à la fin du XIX ème siècle, l'a transformée en jardin botanique. 


Passionné de fleurs et d'essences tropicales, il se les faisait expédier d'Afrique, du Soudan et des Indes. 

C'est une oasis de fraîcheur et dès le matin les jeunes d'Assouan s'y promènent, petits groupes de garçons et filles, mais pas ensemble, cela ne se fait pas. 


Notre felouque nous mène à présent vers l'île Eléphantine. C'est là que se sont installés les premiers habitants d'Assouan. Deux enfants nous prennent à l'abordage, et se collent au bateau pour un mini-récital de chansons françaises, « alouette gentille alouette » » « frère Jacques », nous leur demandons plutôt d'aller puiser dans le répertoire nubien.



Au nord de l'ile, l'ex hôtel Oberoi devenu Mövenpick avec de nouveaux bâtiments en construction. On le remarque de loin à son horrible « tour de contrôle » qui a le mérite de servir de point de repère en ville.


Au centre, le village nubien, avec ses ruelles et ses maisons de terre et de briques. Nous le traversons, les enfants nous suivent.


Au sud, un site archéologique très intéressant mais peu visité et toujours fouillé sous la direction d'archéologues allemands avec ses temples dédiés à la déesse Hathor avec ses oreilles de vache et Knoum, créateur de la vie, représenté sous la forme d'un bélier avec ses cornes retournées. 


On a retrouvé ici des béliers momifiés, l'un d'entre eux est présenté au superbe nouveau musée nubien à quelques minutes de marche de l'hôtel Old Cataract. 



Notre visite se termine alors qu'il commence à faire très chaud. 35° à l'ombre fin octobre, ne nous plaignons pas !



Après avoir tiré un dernier bord, la felouque nous dépose à l'embarcadère du légendaire Sofitel Old Cataract où nous passerons une nuit...seulement...bien décidés à profiter de la piscine. 


Construit à l'initiative de Thomas Cook et fils, il accueillait les touristes et voyageurs qui poursuivaient leur périple en Haute-Egypte. De gros travaux ont été engagés afin de lui redonner toute sa splendeur. Il a accueilli les têtes couronnées, célébrités et présidents dont François Mitterrand qui était un client régulier. Nous en reparlerons. 


Nous pensions dormir dans le bâtiment historique, millésimé 1899, mais notre réservation "tarif de base",  concernait une chambre côté jardin. L'hôtel n'affiche pas complet et nous voilà surclassés comme la plupart des clients dans l'aile « Nil », construite en 1961, par les soviétiques sous Nasser et qui vient d'être magnifiquement rénovée.


Tout a été cassé à l'intérieur, ce ne sont plus que des suites. la nôtre, au 9e et dernier étage, nous offre un panorama incroyable sur Assouan. 



Nous allons savourer chaque instant passé dans cet Old Cataract et rencontrerons demain après midi le directeur général qui reviendra tout spécialement de Luxor pour l'interview. Nous retrouvons nos amis Hélène et Jean-Michel, les niçois pour le dîner, 2 minutes de bateau et nous grimpons vers le restaurant nubien sur un ilot juste en face de l'hôtel. Le menu est toujours le même, soupe, salades, kofta, kebap accompagnés de téhina, pâte de sésame mélangée à de la purée l'aubergine. Le tout accompagné d'eau minérale, ni vin ni bière dans les restaurants traditionnels. 



Pourtant les vins égyptiens ne sont pas mauvais, nous avons dégusté un excellent « Jardin du Nil » 2008 aux parfums de fruit rouge. Si vous projetez un voyage en Haute-Egypte, réservez, en cherchant bien les meilleurs prix et promotions, au moins une nuitée dans les deux hôtels de légende, le Winterpalace à Luxor, dont « Le Pavillon » est très abordable et cet Old Cataract de légende. (autour de 150 à 180 euros, superbe petit-déjeuner compris, au prix d'un 3* à Paris !) 



Old Cataract, plein la vue...

Dimanche 26 octobre       

Quand vous réservez un nuîtée dans un palace de légende comme l'hôtel Old Cataract et que ce n'est pas votre quotidien, autant en profiter pleinement.  Nous allons passer la journée dans ce second diamant d'Assouan, après le temple de Philae. le plaisir est immense dans les deux !


La piscine avec vue sur les iles, les collines ensablées, le mausolée de l'Agha Khan, les felouques, est toujours aussi accueillante. 



Nous la quittons toutefois pour visiter l'aile historique avec sa galerie de portraits. Parmi les clients célèbres, Churchill, le tar Nicolas II, la princesse Diana. Nous lisons les dédicaces, celle d'Omar Sharif : « my favourite hôtel, my favourite city, my favourite country », nous arrêtons devant la photo de la superbe princesse Fawzia, sœur du roi Farouk et première épouse du Shah d'Iran.



Belmondo et Brialy y ont séjourné mais aussi des présidents français, Sarkozy, Giscard et François Mitterrand qui était un familier du palace. 


Il assista à la messe de minuit au superbe monastère St Siméon, tout proche du mausolée de l'Agha Khan en 1987,  passa avec Anne et Mazarine Pingeot et son ami André Rousselet, le réveillon de Noël 1995, 2 semaine avant sa mort, contemplant le Nil, dans un rocking-chair, depuis la terrasse de l'une des deux suites présidentielles. Mitterrand pouvait paraît-il nommer de mémoire les tombes de chaque pharaon. Après avoir découvert son immense intérêt pour l'Egypte, la pyramide du Louvre ne nous surprend plus.


Nous entrons ensuite dans la suite juste au-dessus, celle d'Agatha Christie, qui accompagnait son mari archéologue. C'est immense ! Grand salon, salle à manger, bureau, le prix de la nuitée varie de 8000 à 10 000 dollars. 




Elle est réservée ce soir par un riche égyptien, à qui la direction a offert le tarif plus bas, car il y passe 3 nuitées et a réservé également 20 autres suites pour ceux qui l'accompagnent ! C'est ici qu'Agatha Christie écrivit en partie « Mort sur le Nil ». 
Nous passons devant le superbe vieil ascenseur, qui fonctionne toujours et entrons pour terminer dans le restaurant gastronomique  « 1902 », année de son ouverture. Les mots nous manquent, colossal avec son dome de 22 mètres de haut, ce n'est pas un restaurant, c'est une cathédrale !



Il vous en coûtera 50 euros pour le très beau menu mariant les cuisines françaises et orientales (plus taxes, plus boissons, le rapport qualité prix reste excellent). 


En fin d'après midi Rafic Khairallah, le directeur général des 2 Sofitel, nous retrouve sur la terrasse pour l'enregistrement. Il est libanais, sa famille est au Liban, il les rejoint toutes les 2 semaines. Il nous apprend que des travaux vont « lifter » le Winterpalace à Luxor qui en a bien besoin, Ici, à Assouan, la rénovation totale est terminée depuis quelques années. L'hôtel devrait afficher complet pour les fêtes de fin d'année. 


Avant de quitter définitivement ce palais victorien et mauresque, nous sortons...côté route, c'est la première fois, pour découvrir le très beau musée de la Nubie qui a ouvert ses portes fin 97 et retrace l'histoire de ce peuple. 



Les pièces exposées sont superbes et le musée reconstitue la vie quotidienne. Une expo photo permet de visualiser l'ampleur du chantier de déplacement des temples lors de la mise en eau du lac Nasser, tout particulièrement pour Abu Simbel. 




Une dernière bière au bar et nous quittons à regret cet Old Cataract, avec comme pour tous ceux, qui y ont séjourné depuis plus d'un siècle , une grand envie d'y revenir.